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mardi 8 février 2011

Croyances et légendes djerba


La superstition et ses mystères, comme les méfaits de l’envie et le mauvais œil, tiennent une grande place dans les croyances populaires123 et beaucoup ont longtemps existé sur l’île : les Djerbiens considéraient ainsi le mercredi comme une journée néfaste pendant laquelle il ne fallait rien entreprendre, pas même un mariage ou la visite d’un malade. Le chiffre cinq et ses multiples sont prononcés pour éloigner le mauvais sort ou les influences négatives, d’où l’usage de la khamsa ou main de Fatima124. Le septième jour est quant à lui célébré en cas de naissance ou de mariage et le quarantième jour en cas de naissance et de décès. Le poisson est considéré comme un porte-bonheur et éloigne le mauvais œil125 : il est représenté sur les bijoux124 et utilisé couramment dans la décoration des intérieurs, un petit bijou représentant un poisson est accroché presque systématiquement aux habits des nouveau-nés. Il existait aussi plusieurs journées dans l’année appelées moussem au cours desquelles on portait un repas de viande ou de poisson aux mosquées126 ou aux voisins les plus pauvres127.



Les Djerbiens croyaient également en l’existence de la khiala, comme celle de Hammam El Ghoula128, fantôme d’une très belle femme qui apparaît à ses victimes, les ensorcelle et les emporte pour les libérer sains et saufs après un ou plusieurs jours, le revenant ne se souvenant en principe de rien. Était-ce une façon par laquelle la sagesse populaire justifiait des fugues129 ? On croyait également que les âmes des morts rôdaient autour des cimetières durant la nuit et pendant les heures les plus chaudes de la journée. On racontait aussi aux enfants que pendant ces mêmes heures, une vieille et méchante femme (azouzat el gaila) attrapait les enfants qu’elle trouvait dans la rue et les dévorait. Les enfants étaient également terrifiés par l’idée d’être attrapés par l’un de ces « messieurs » à la recherche d’enfants avec des signes particuliers dont le sacrifice leur permettrait de trouver un trésor enfoui. Le pain était vénéré et jamais jeté avec les ordures : si l’on devait en jeter un morceau, il fallait d’abord l’embrasser puis le poser dans un endroit propre, de préférence surélevé, afin qu’un pauvre ou un animal pût le trouver propre. On racontait que lorsqu’on observe la lune, on y voit une femme pendue par les paupières parce qu’elle a utilisé un morceau de pain pour toucher son enfant. Les Djerbiens croient aussi que cela porte malheur de compter les gens et que le fait que les chaussures se superposent en les enlevant ou en les rangeant est un signe précurseur de voyage. Si en revanche, les chaussures se renversent, il faut tout de suite les retourner ou Satan (echitan) fait sa prière dessus130.
Par ailleurs, l’expatriation de l’homme djerbien est à l’origine de croyances que la sagesse populaire a préservé pendant des générations comme le fait qu’un fœtus puisse être porté par la mère pendant plusieurs années et naître en l’absence du père (erraged)90.
Des croyances et légendes entourent certaines mosquées dont Sidi Zitouni — appelé aussi Koubet El Kheiel ou dôme du fantôme en raison de la légende qui l’entoure92 — Jemaâ El Guellal situées à Houmt Souk, Sidi Zikri131 mais aussi Jemaâ Sidi Salem Essatouri, Jemaâ Sellaouati et tant d’autres. On raconte que Sidi Satouri, paysan modeste, possédait un lopin de terre isolé et difficile à travailler. Après une journée de dur labeur, il s’arrête en pleine route pour faire sa prière lorsqu’un riche cortège de mariage tente en vain de l’interrompre. Sa prière achevée, il se rend compte que le cortège a été pétrifié sur place132. De retour au village, il raconte son aventure aux villageois qui, incrédules, se rendent sur place et, voyant le cortège transformé en pierres, considèrent Sidi Satouri pour un saint et édifient une mosquée sur le lieu de son aventure22. La légende des Sallaouta, installés dans la région de Mezraya, raconte que ceux-ci décidèrent de construire une mosquée, choisirent l’emplacement et commencèrent à en creuser les fondations. Le lendemain, en retournant vers leur chantier, ils aperçurent sur une surélévation un pilier en marbre de 12 pans qu’aucune main humaine n’aurait pu placer à cet endroit. Ils virent là un signe divin, ajoutèrent trois colonnes de pierre et du mortier et bâtirent la mosquée appelée Jemaâ Sellaouati22. Beaucoup d’autres croyances existent comme celle de Lalla Thala qui guérirait du trachome et aiderait à trouver l’âme sœur133, celle de Sidi Marcil (saint Marcel) qui soignerait la stérilité des femmes72 ou celle de Maamouret Aghir qui guérirait les maladies de la peau et rapprocherait les amoureux séparés71.

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